Niger–France : pourquoi Niamey accuse Paris de bloquer l’exploitation de son uranium

Les relations entre le Niger et la France autour de l’uranium, longtemps présentées comme un partenariat industriel, traversent une zone de turbulences. Le gouvernement nigérien accuse désormais Paris, via son géant du nucléaire Qrano (ex-Areva), d’entraver la pleine exploitation de ses ressources stratégiques.
Samedi, à la tribune de l’ONU, le Premier ministre nigérien Ali Mabaman Lamine Zeing a dénoncé ce qu’il décrit comme une stratégie française visant à prolonger les contentieux juridiques afin de retarder la mise en valeur et la commercialisation de l’uranium national. Selon lui, cette attitude traduirait une volonté de maintenir une emprise indirecte sur les richesses du pays, alors que Niamey affirme sa souveraineté minière.
Ces critiques s’inscrivent dans un contexte de méfiance croissante : malgré plus de cinquante ans d’exploitation, l’uranium n’a que très peu profité aux populations locales. Il est régulièrement associé à des problèmes sociaux, sanitaires et environnementaux, tandis que les entreprises françaises en ont tiré des bénéfices substantiels.
La tension s’est accentuée après qu’un tribunal du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), organisme rattaché à la Banque mondiale, a donné provisoirement raison à Qrano. Cette décision limite la possibilité pour le Niger de vendre ou de transférer l’uranium produit par sa filiale locale, Semaïr.
L’entreprise affirme défendre ses droits d’investisseur, mais à Niamey, cette mesure est perçue comme une ingérence étrangère dans la gestion d’une ressource nationale stratégique.
Pour le Niger, le défi est double : protéger ses intérêts économiques tout en gérant les contraintes contractuelles et juridiques héritées d’un demi-siècle de coopération avec la France. Au-delà des aspects financiers, l’affaire soulève aussi la question des impacts sociaux et environnementaux dans les zones minières, marquées par la pollution, l’insécurité et la désolation.
Ce bras de fer pourrait redéfinir la politique énergétique du Niger et ses futurs contrats d’exportation. Il illustre la difficulté pour un pays riche en ressources naturelles de concilier souveraineté, justice sociale et partenariats industriels internationaux, dans un secteur aussi stratégique que le nucléaire.
Stella S.